Etude de cas

 

Afin d'observer l'applicabilité de la géothermie, nous pouvons étudier le cas des villes d'Arcueil et Gentilly. Ces communes voisines d’environ 20 000 habitants, situés dans le Val-de-Marne, se sont associées pour développer un nouveau réseau géothermique, qui a été inauguré en novembre 2015. Les villes limitrophes se trouvent en effet sur une zone du Dogger (couche calcaire de 160 millions d’années située sous la région Île-de-France), qui est propice à l’exploitation géothermique. Un forage à 1800 mètres sous terre a ainsi été effectué, afin d’extraire une chaleur variant entre 55°C à 85°C.

 

L’élément déclencheur du projet a été une grande opération de renouvellement urbain d'un quartier de Gentilly (Chaperon Vert).

Les communes justifient le choix de la géothermie en mettant en avant des enjeux environnementaux, économiques mais aussi sociaux, renvoyant ainsi aux trois célèbres facettes du concept de « développement durable ».

 

Photo : Gabriel A-M

L’enjeu environnemental est le principal objectif affiché par les communes concernées. Le nouveau réseau permettrait en effet d’économiser 14 600 tonnes de CO2 par an, en couvrant jusqu’à 60% des besoins en chaleur des deux communes (selon le site d'Argéo, entreprise spécialement dédiée à la construction et à l'exploitation du nouveau réseau de chaleur).

 

Cette opération correspond au premier réseau de chaleur géothermique créé ex nihilo depuis plus de 30 ans dans la région francilienne, et s’inscrit dans le cadre du programme de relance de la géothermie, initié par la Région Île-de-France dans le Schéma Régional Climat Air Énergie (SRCAE). A ce titre, la nouvelle installation a été hissée au rang de « Symbole du renouveau de la géothermie en Île-de-France » (communiqué de presse).

Le choix de la géothermie par les villes d'Arcueil et de Gentilly renvoie ainsi également à des enjeux d’image : cela donne une certaine image de villes propres et durables aux communes, et participe à leur visibilité. Et le choix de la géothermie est également une fierté du SIPPEREC (Syndicat Intercommunal de la Périphérie de Paris pour les Énergies et les Réseaux de Communication), qui est à l’origine de l’aménagement de la centrale et propose des solutions « clés en main » aux communes en matière d’énergie renouvelable. Dans l’optique du syndicat intercommunal, au-delà des enjeux locaux, le nouvel aménagement a également pour vocation d’encourager le développement de futures opérations de même envergure dans d’autres communes de la région.

 

Cependant, la géothermie ne couvre pas les besoins en chauffage et eau chaude de l'ensemble des logements des communes. En effet, afin de rentabiliser le réseau (qui a coûté un total de 32 millions d'euros), les bâtiments raccordés à la géothermie doivent contenir un grand nombre de logements. Les habitations desservis ne sont donc pas des logements individuels mais des ensembles de logements sociaux. Le réseau de chaleur, qui s'étend sur 13 kilomètres, a pour objectif initial de couvrir les besoins énergétiques d’environ 10 000 logements et « équivalents logement », comme des équipements publics (écoles, complexes sportifs…) ou des entreprises. Avant le début des opérations, la commune de Gentilly affirmait ainsi qu’une « grande partie des logements collectifs et des bâtiments publics ou tertiaires » de la commune serait raccordée au nouveau réseau de chaleur. Le raccordement de l’ensemble des logements des deux communes au réseau de chaleur n’est pas envisagé : outre le fait que les anciennes constructions ne sont pas adaptées à la géothermie, allonger le réseau, et surtout vers des sites de faible consommation (bâtiments à faible nombre de logements ou maisons individuelles) induirait un “déséquilibre économique”, selon les termes de la SIPPEREC. Autrement dit, cela entraînerait des coûts difficiles voire impossibles à compenser. 


Pour conclure l'étude de cas, nous pouvons ainsi affirmer que raccorder toutes les nouvelles constructions des villes d’Arcueil et de Gentilly au nouveau réseau géothermique est économiquement inenvisageable. Il n’est cependant pas exclu que de nouveaux sites d’habitat dense (habitats sociaux, copropriétés) ou à forte consommation (entreprises, bâtiments publics…) fassent l’objet d’un raccordement, dans le cas d’une implantation ou d’une opération de rénovation à proximité du réseau - ce qui entraînerait des coûts d’extension limités. Et si les communes justifient le choix de cette ressource de par des enjeux environnementaux, sociaux et économiques, l’option géothermique leur permet également d’acquérir une certaine visibilité, dans un contexte de métropolisation et de concurrence accrue entre les villes.